Surdité

Plan de la page :

Sourd... muet ?

La LSF

Un peu d'Histoire

Qu'est-ce que la LSF ?

A vous de signer !

Apprendre la LSF en école d'Orthophonie

Le LPC

Documents divers sur la surdité

 

Sourd... muet ?

Depuis quand les cordes vocales se trouvent-elles dans les oreilles ?

On pense souvent que les sourds sont forcément muets... mais c'est faux ! Je vais donc vous expliquer pourquoi vous devez bannir l'expression "sourd-muet" de votre vocabulaire.

Ce n'est pas que l'enfant sourd est muet, seulement, la parole ne lui vient pas naturellement puisqu'il n'entend pas les sons.

Pourtant, un bébé sourd fera des vocalises comme un enfant normo-entendant. L'explication est simple : vers 4 mois, le bébé passe par un babillage rudimentaire. A ce moment-là, ce n'est pas uniquement le son qui l'intéresse (et certainement pas ce qui intéresse l'enfant sourd, évidemment) mais également les sensations kinesthésiques, c'est-à-dire les sensations internes que lui procurent les vocalises. Avec le temps, le bébé ne portera plus vraiment son attention sur ces sensations pour finalement s'intéresser principalement au son et se mettra à jouer avec les intonations, la hauteur, etc... Le bébé sourd, quant à lui, se lassera également des sensations kinesthésiques, mais comme il n'entendra pas le son, il ne trouvera plus de plaisir à faire ces vocalises.

C'est là (entre autres) qu'intervient l'Orthophonie : grâce à l'appareillage auditif (qui ne permet pas de retrouver totalement l'acuité auditive mais, par exemple, de passer d'une surdité profonde à une surdité moyenne), l'orthophoniste "éduquera" l'audition de l'enfant et lui permettra d'apprendre à articuler, à reconnaître les sons, les différencier... Suivant son niveau auditif, sa voix sera plus ou moins déformée (la voix d'une personne sourde a une intensité inadaptée, un timbre nasalisé...) puisque il aura plus ou moins de feed-back auditif pour corriger sa voix.

Une autre idée reçue est que les personnes sourdes utilisent obligatoirement la LSF : cela découle d'une autre idée reçue selon laquelle la majorité des sourds le sont depuis la naissance... ce n'est pas le cas : 80% des sourds ont une surdité acquise (par exemple, ils peuvent avoir perdu l'audition à cause d'une otite séromuqueuse). La qualité du langage dépendra alors :

- des restes auditifs : chez les devenus sourds, il y a beaucoup de surdités légères et à elle-seule, la surdité moyenne concerne 50% des surdités congénitales

- de la date d'apparition de la surdité, c'est-à-dire si la surdité est apparue avant l'apprentissage du langage (surdité prélinguale), pendant l'apprentissage du langage (périlinguale) ou après l'apprentissage du langage (surdité post-linguale).

D'autre part, certains enfants ont plus de facilités que d'autres, à degré de surdité égal.

 Il ne faut pas oublier que 90% des enfants sourds naissent dans des familles entendantes : faire le choix d'un mode de communication ou d'un autre n'est pas évident. Par ailleurs, il faut se rendre à l'évidence que la société est une société d'entendants : privilégier dès le départ une communication uniquement en LSF est un peu dérangeant. Il ne faut pas non plus perdre de vue que, derrière le langage oral, il y a le langage écrit : aucune méthode ne permet aux enfants uniquement signants d'accéder à un langage écrit qui soit efficient (il y a 80% d'analphabètes chez les sourds signants). Il ne s'agit donc pas de prôner l'oralisation forcenée mais de trouver un juste équilibre, qui soit le meilleur pour l'enfant.

 

Quelques indications :

- un enfant sourd moyen perçoit la parole forte mais a besoin de la lecture labiale pour s'aider, en particulier s'il y a beaucoup de bruit

- un enfant sourd sévère perçoit la parole forte uniquement lorsqu'elle est près de l'oreille et il ne la perçoit que comme une voix chuchotée

- un enfant sourd profond n'entend absolument pas la voix forte


La LSF (Langue des Signes Française)

Un peu d'Histoire...

C'est à partir de l'observation de soeurs jumelles sourdes communiquant par des gestes que l'Abbé de l'Epée imagina ce qui fut d'abord appelé "langage des signes". Il ouvrit alors une école pour sourds (aujourd'hui, l'Institut Saint-Jacques de Paris) où il enseigna cette nouvelle langue (bien qu'elle ne soit pas encore reconnue comme telle) et dispensa aux enfants sourds une éducation religieuse (afin de leur permettre de recevoir les sacrements et d'éviter l'enfer).

Mais le XIXe siècle devait stopper net les progrès de la France (et de l'Europe) en matière de prise en charge des enfants sourds. En effet, en septembre 1880, se tint le Congrès de Milan où la presque totalité des participants était des entendants (seulement deux étaient sourds) et une grande proportion était en faveur de l'oralisme, très à la mode à l'époque. Invoquant que la LSF n'est pas une vraie langue, ne permet pas de parler de Dieu et favorise la tuberculose (les gestes empêcheraient les sourds d'avoir une bonne respiration), le Congrès interdit l'utilisation de la langue des signes dans l'enseignement et impose l'utilisation de la méthode oraliste : les enseignants sourds sont licenciés et les enfants sourds n'ont pas le droit d'utiliser la langue des signes à l'école (on en vient souvent à leur attacher les mains dans le dos). Il faudra attendre l'amendement de 1991 (la loi Fabius) pour que soit mise en place une éducation bilingue (LSF et Français oral et ecrit) mais surtout la loi du 11 février 2005 qui mit officiellement un terme à l'obligation de la méthode orale pour l'enseignement des sourds, et reconnut enfin la langue des signes comme une langue à part entière. Entre temps, la France a accumulé un énorme retard par rapport aux Etats-Unis où le Congrès de Milan n'avait pas été pris en compte.

 

Qu'est-ce que la LSF ?

La LSF est une langue à part entière, c'est-à-dire qu'elle correspond à une culture (et donc à une façon de penser) et qu'elle a sa propre syntaxe : si l'on traduit mot à mot le Français en signes, on obtient du Français signé, mais pas de la LSF. Les personnes sourdes ne pensent pas en mots mais en images : leur langue s'organise donc différemment.

Par exemple, si vous voulez signer "le chat monte sur la table", vous signerez d'abord la table puis le chat et enfin le fait que le chat monte sur la table.  Mais il faudra être très précis : si vous mettez la table à droite et le chat à gauche, il ne faudra pas, au moment où vous représenterez la scène, signer comme si la table était au milieu car, dans ce cas, votre interlocuteur comprendra que le chat tombe.

Il n'existe pas de conjugaison en LSF : c'est un mouvement de l'épaule qui indique le temps (passé : épaule en arrière, futur : épaule en avant). Mais ce mouvement peut sembler imperceptible aux yeux des néophytes quand ils sont réalisés par une personne expérimentée.

Par ailleurs, il faut savoir que l'expression du visage et la façon de se tenir sont aussi signifiants que le geste : il est souvent difficile pour les entendants qui apprennent la LSF de ne pas avoir de visage "figé"; pourtant, les mimiques sont extrêmement importantes.

Tous les mots ne sont pas traduits en LSF : leur signification sera donc mimée d'une façon choisie par le signeur (pas exemple, kinésithérapeute sera traduit par "une personne qui fait des massages").

La LSF est donc très différente du Français et pas uniquement parce qu'elle utilise des signes. Comme toute langue, la LSF a un fonctionnement propre, distinct du Français. Cela peut être très problématique, notamment pour l'apprentissage de la lecture : en effet, les gestes (excepté la dactylologie) n'ont rien à voir avec les lettres. L'entrée dans le langage écrit est donc fortement compromise : c'est pour cette raison qu'il y a un fort taux d'analphabétisme dans la population sourde.

La LSF comporte 12 niveaux de 30h chacun, sachant qu'on peut suivre une véritable conversation à partir du 5e.

L'alphabet est traduit en LSF : il s'agit de la dactylologie. Elle sert à épeler les mots qui n'ont pas de signe (par exemple, le nom d'un village) ou son prénom. Toutefois, le prénom n'est pas systématiquement épelé : un signe est rapidement attribué à chacun. Pour les entendants, ce signe est donné au bout de quelques temps pendant les cours de LSF. Seuls les sourds peuvent attribuer un signe à quelqu'un. On peut refuser son signe pour qu'un autre soit attribué, mais dès lors qu'on l'a accepté, il n'est plus possible d'en changer et on le garde à vie (c'est comme un prénom "normal"). La seule exception est pour les signes qui ont été attribués dans l'enfance et qui sont mal vécus car infantilisants. Souvent, un signe est donné à titre temporaire, en attendant de mieux vous connaître.
 Le signe est choisi en fonction d'une ou plusieurs caractéristiques de la personne (son aspect, son caractère, ses centres d'intérêt, sa façon de se tenir, ses tics...) : par exemple, mon signe a la configuration du M (pour mon prénom : Muriel), le mouvement en arrière puis en avant caractéristique du signe "rousse" et se réalise à côté de la tête (car c'est là où se situe le signe "Orthophonie").

Si votre signe est basé sur votre aspect physique, il ne changera pas, même si votre corps change. Par exemple, si votre signe est "maigre" et que vous prenez du poids par la suite, votre signe restera "maigre".

 

 

A vous de signer !

Evidemment, je ne peux pas vous fournir de cours de LSF. Toutefois, je peux vous donner quelques exemples de signes.

A partir de la dactylologie :

D : si vous "grattez" vos lèvres avec la pulpe de l'index, cela signifiera "rouge".

B: si vous repliez les doigts (comme pour dire "au revoir"), vous signerez "bleu".

F : il se différencie du T par la position du pouce ; si vous balancez la main de droite à gauche, cela signifiera "fils".

H : si vous écartez le pouce, cela signifiera "aimer".

J : si votre petit doigt frotte votre joue, cela signifiera "jaune".

K : l'index et le majeur forment un V et le pouce est placé au milieu.

P : comme le K mais avec un mouvement vers le bas.

R : à côté de la tête et basculé en arrière, il signifiera "roux".

U : si vous dessinez une ligne avec l'index sur le front, cela signifiera "noir" ; avec les deux mains à plat (paumes visibles) et les pouces écartés, vous signerez "ça va" en pliant et en dépliant l'index et le majeur collés (l'expression de votre visage indiquera s'il s'agit d'une question ou d'une affirmation)

 

D'autres signes :

Orthophonie : faites comme si vous vous teniez la tête mais sans la toucher puis faites des ronds (si vous le faites au-dessus de la tête, cela signifiera "cinglé")

Sourd : l'index posé sur l'oreille puis sur la bouche

Policier : faites le "poulet" avec l'index et le pouce posés sur le coeur (humour de sourds ;-)

 

Sur ce site, vous trouverez un dictionnaire avec des vidéos.

 Et sur ce site, vous trouverez de petites séquences vidéos de LSF (sous-titrées et très compréhensibles) : notez bien l'importance des mimiques et des placements.

Enfin, si vous voulez apprendre à compter en LSF, cliquez ici.

 

Apprendre la LSF en école d'Orthophonie

C'est une question qui revient souvent, ça mérite donc un petit article...

Chaque école choisit le programme de sa formation : il n'y a donc pas toujours de cours de LSF prévus dans le cursus, et souvent cela se limite à une intiation rapide, pour se faire une idée.

Mais les facultés d'adaptation faisant partie des compétences nécessaires en Orthophonie, on ne lâche pas le morceau pour autant ! Je n'ai malheureusement pas le détail de l'organisation de toutes les écoles (toute info est donc la bienvenue !) : voici comment on s'est débrouillés à Nancy.

Il me semble que cela a été mis en place il y a seulement 3 ou 4 ans.
Des étudiants se sont renseignés auprès de l'URAPEDA, une association pour les sourds qui existe (je crois) au niveau national, pour savoir s'il serait possible d'avoir un tarif de groupe et des horaires aménagés à notre emploi-du-temps.
Pour vous donner une idée, nous payons cette année, pour le deuxième niveau (comptez 10 euros de plus pour le 1er), 84 euros par personne, au lieu d'environ 120 euros. Mais ce tarif varie en fonction du nombre de personnes : en dessous de 10 personnes par groupe, l'association ne rentrerait pas dans ses frais. Et on ne peut pas dépasser 15 membres pour ne pas léser l'enseignement. Ces conditions peuvent poser quelques petits soucis : l'an dernier, par exemple, sur une promotion de 40, 18 étudiantes étaient intéressées ; trop pour un seul groupe, pas assez pour deux. Il a donc fallu faire des sacrifices et les personnes ayant insisté pour garder leur place se sont engagées à suivre la formation jusqu'au bout, par respect pour ceux qui n'avaient pas été pris. Et en deuxième année, comme certaines personnes ont quitté l'école, des places ont été libérées : l'association a bien voulu que de nouveaux élèves passent au deuxième niveau sans avoir fait le premier (ils n'étaient que 3 : au-delà, ça aurait été coton).

Au départ, les cours se déroulaient à l'URAPEDA, c'est-à-dire à 3/4 d'h de tram de la fac... pas facile quand on finit tard. Si je me souviens bien, nous venions en cours tous les mardi, de 19h à 21h30 (sachant que les masos comme moi prenaient aussi des cours de LPC, le lundi de 20h à 22h). Autant vous dire qu'on était pas toujours fraîche en fin de semaine !

Pour la 2e année, nous avons donc choisi une nouvelle organisation : nous avons demandé à faire les cours à la fac, ce qui nous permettrait de commencer une heure plus tôt. Là, il a fallu régler quelques points administratifs : demander l'autorisation du Doyen et de la directrice des études, entre autres. Celle-ci étant très investie dans la surdité, il n'y a pas eu de problème particulier et des salles nous ont été réservées le mardi de 17h à 19h (interdiction d'utiliser les locaux de la fac après 19h car il faudrait embaucher un gardien).

A l'heure actuelle, nous faisons un niveau chaque année, mais les 3e année ont réussi à caser deux niveaux par an.

Petit rappel : il y a 12 niveaux de 30h chacun, sachant qu'on peut avoir une discussion à partir de 5 niveaux.

 

Le code LPC (Langue Parlée Complétée)

Contrairement à la LSF, le LPC n'est pas une langue mais un code dont le but est d'aider à la lecture labiale. Selon une idée très largement répandue, les sourds sont capables de lire automatiquement et parfaitement sur les lèvres... c'est complètement faux ! En effet, lire sur les lèvres consiste à reconnaître des sons à partir du mouvement des lèvres, mais comment reconnaître des sons que l'on n'a jamais entendus ? En d'autres termes, comment reconnaître quelque chose que l'on ne connaît pas ? Par ailleurs, en lisant sur les lèvres, on ne peut pas saisir la totalité du message, mais seulement 30%. Le problème vient de ce que l'on appelle les "sosies labiaux", c'est-à-dire des phonèmes (cf lexique) que l'on ne peut différencier en regardant les lèvres. Par exemple, les phonèmes /b/, /m/ et /p/ sont des sosies labiaux, ainsi que /f/ et /v/. Par ailleurs, certains phonèmes dits "postérieurs" ne sont pas visibles. C'est là que le code LPC a un intérêt majeur : il complètera la lecture labiale pour savoir de quel phonème il s'agit.

En fait, les gestes du LPC  ne traduisent pas des mots, mais des phonèmes : à chaque phonème prononcé, on associera un geste à côté du visage. Ce geste se compose d'une position de la main sur le visage et d'une configuration des doigts (une "clef").

Les clefs (configuration des doigts) codent les consonnes, ou plus exactement les sons consonantiques : /p/, /t/, /k/... mais aussi /ch/, /gn/...

C'est la position de la clef sur le visage qui indique à quel son vocalique cette consonne sera associée.

Vous remarquerez sur l'image qu'un même endroit du visage code pour plusieurs sons vocaliques : c'est la lecture labiale qui permettra à la personne sourde de savoir de quel phonème il s'agit. Idem pour les clefs qui codent également pour plusieurs sons consonantiques (par exemple, /m/, /t/ et /f/ sont codés par la même clef).

Ne vous attendez pas à être capable de décoder : cela nécessite d'avoir une bonne lecture labiale et c'est donc extrêmement difficile si on ne l'a pas appris précocément. Mais cela n'empêche pas les échanges : la personne entendante code tandis que la personne sourde parle. Et si deux personnes sourdes veulent communiquer grâce au LPC, elles codent toutes les deux.

 

 

Même si de plus en plus de parents choisissent le LPC comme mode de communication pour leur enfant, l'objectif du LPC n'est pas de servir de langue mais de faciliter la lecture labiale et l'oralisation, et de permettre l'apprentissage de la lecture. En effet, contrairement à la LSF où les signes n'ont rien à voir avec les lettres, le LPC peut être mis en correspondance avec l'écrit : au lieu d'entendre les sons, l'enfant sourd les visualise ; il se retrouve donc à égalité avec l'enfant normo-entendant. Enfin, le LPC présente l'avantage d'être maîtrisable après seulement 30h (au lieu des 12 niveaux de 30h de la LSF).

Pour apprendre le LPC, vous n'avez qu'à cliquer ici.

 

Documents divers sur la surdité

 

Livres

Moi Sourd, et toi ? : un livre très complet sur la surdité

 

Sites

http://visucom.fr/ : le site de l'association marseillaise pour la promotion de la LSF : vous y trouverez des films en LSF ou sur les sourds, des BD en LSF...

 Vous trouverez sur le site Wikisign un dictionnaire de langue des signes : à voir absolument !

un article sur la prise en charge orthophonique de l'enfant sourd de 0 à 3 ans : http://handicap.suite101.fr/article.cfm/le-role-de-lorthophoniste-aupres-dun-enfant-sourd-de-0-a-3-ans?sms_ss=facebook
 




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