Langage
Plan de la page :
Trouble de l'articulation, retard de parole et retard de langage
s
L'illettrisme
L'entrée dans le langage écrit
a
La dysphasie
a
Le bégaiement
Document à télécharger (cliquer ici) : transcription de l'émission "Les origines du langage".
Première chose à savoir, il existe une période critique d'apprentissage du langage (c'est vrai aussi pour d'autres acquisitions importantes telles que la marche) : avant cette période, il est trop tôt pour que l'enfant puisse le développer, mais après, c'est trop tard...
Commençons par quelques données de neurobiologie (mais non, vous allez voir, c'est simple !).
Avant, on pensait que le bébé n'était qu'un être humain miniature qui ne faisait que grossir... ben non !
Selon la théorie de l'épigénèse , l'embryon se développe à partir de cellules indifférenciées qui se spécialisent progressivement (c'est pour cette raison que les scientifiques aiment tant les cellules embryonnaires : ce sont des "bébé cellules" qui vont se spécialiser suivant les besoins... elles pourront devenir des cellules de peau, des neurones, etc... c'est le plan idéal pour les greffes !).
Au départ, les cellules du cerveau sont réparties de façon homogène mais, petit à petit, il va y avoir un phénomène de migration : ces cellules vont se concentrer principalement dans la zone corticale pour former le cortex.
Et il va aussi y avoir un phénomène de mort cellulaire : certaines cellules vont mourir pour permettre aux autres de fonctionner efficacement.
Vous allez voir, c'est pas pour rien tout ça...
Grâce à la mort cellulaire et aux stimulations, les aires du cerveau vont se spécialiser : c'est parce que l'enfant perçoit des informations auditives (des sons) qui sont transmises au cortex que ces voies auditives vont fonctionner et que le cortex auditif sera justement le cortex auditif.
Si les cellules ne sont pas utilisées pour ça, ce sera pour autre chose et en particulier traiter les autres stimulations sensorielles. Passé la période critique, il va falloir lutter avec cette plasticité pour redonner la primeur de l'audition sur ces voies auditives.
Le meilleur exemple est celui des enfants sauvages qui reviennent au monde après 4 ans (ils ne vont jamais développer un langage car c'est trop tard, les aires de langage ont été utilisées pour autre chose).
D'où l'intérêt d'une prise en charge précoce des enfants sourds.
Mais pour communiquer, il faut aussi mettre en place des compétences conversationnelles :
Comme j'ai pitié de vous, je ne vais pas vous faire le listing complet, juste vous donner une vision globale pour que vous vous fassiez une idée.
Il faut par exemple que l'enfant ait une motivation : s'il se rend compte qu'à chaque fois qu'il essaie de communiquer, ses parents sont émerveillés et l'encouragent, il aura envie de continuer.
Il faut aussi que la langue avec laquelle il est mis en contact soit structurée et d'un niveau toujours juste supérieure à ses capacités de productions (pour l'entraîner toujours vers le haut sans trop lui en demander non plus)
Les étapes :
1er mois : vocalisations réflexes (l'enfant va pleurer quand il n'est pas content mais sans le contrôler, c'est un réflexe, c'est préprogrammé, il pleure parce qu'il y a un mal être)
1 à 3 mois : 1ères vocalisations volontaires (il va pouvoir commencer à choisir de pleurer et on va voir apparaitre les différents types de pleurs) et vocalisations réponses (quand on va lui parler, et particulièrement sa mère parce qu'il est plus sensible à sa voix et à son timbre, il va lui aussi produire des sons : 1ères voyelles)
3 à 4 mois : « areu » (car ce sont les voyelles les plus utilisées ; cela montre que les voyelles de l'enfant sont extrêmement guturales : elles sont produites au niveau de la gorge)
2-5 mois : sourire réponse et rire (le sourire est la preuve que l'enfant maîtrise les muscles de ses lèvres et donc qu'il peut produire des sons ; le rire, quant à lui, montre qu'il peut mobiliser ses poumons)
4 à 6-8 mois : babillage rudimentaire (il découvre qu'il est capable de produire différents sons et en apprécie les sensations kinesthésiques)
6-8 mois : babillage canonique (répétition de syllabes)
9-10 mois : intonation de la langue maternelle (dans son babillage, l'enfant prend les intonations propres à sa langue maternelle)
1ère année : traitement et catégorisation des sons (le bébé va apprendre à traiter les sons de sa langue maternelle et va petit à petit pouvoir les catégoriser de façon inconsciente : à la naissance, il peut produire tous les sons et petit à petit, à force d'être confronté au langage de sa langue maternelle, il va se spécialiser dans le traitement des sons de sa langue maternelle)
10-11 mois : réorganisation des catégories perceptives et répertoire de consonnes et de voyelles (il va faire une sélection de consonnes et de voyelles adaptées à sa langue maternelle)
11-12 mois : 1ers mots et allongement de la dernière syllabe du mot (caractéristique de l'intonation du Français)
18-20 mois : lien entre signifiant et signifié (jusque là, il était sur l'intonation, la motricité... et là il commence à faire du lien avec le langage et à comprendre que les mots ont un sens)
Spécialisation de l'hémisphère gauche (le gauche se spécialise pour les activités langagières et le droit ne s'en occupe plus)
Explosion lexicale (d'un jour à l'autre, l'enfant acquiert du vocabulaire : le langage prend vraiment une place très importante et se développe de façon très rapide)
2 à 3 ans : construction des phrases et explosion langagière (progrès très rapides au niveau de la parole, du lexique avec une diversification des noms, des verbes, des adjectifs, ..., au niveau de la syntaxe, les phrases commencent à se construire, se complexifient et s'allongent, et vers 3 ans, il utilise le « je » au lieu du moi)
3 à 4 ans : de moins en moins d'erreurs grammaticales, coordinations de phrases (utilise le « et »), apparition du récit (il commence à adapter son discours à son interlocuteur, et à utiliser les pronoms personnels ainsi que les temps verbaux)
4 ans : les compétences langagières de base sont acquises (les grandes caractéristiques fondamentales du langage sont installées)
Trouble de l'articulation, retard de parole et retard de langage
Retard et trouble
Le retard, c'est moi tous les matins: je suis pas à l'heure comme tout le monde mais je finirais bien par arriver en cours à un moment ou à un autre. Un trouble, c'est mon réveil qui ne sonne pas, ma cheville qui se tort et la grève des conducteurs de tram : dur, dur, d'arriver à l'heure en cours.
Bon, je vais peut-être arrêter les métaphores... Pour faire simple, un enfant qui a un retard, c'est un enfant qui présente un écart temporel dans l'acquisition de certaines compétences, par rapport aux autres enfants de son âge et de son niveau scolaire : par exemple, en lecture. Mais à partir du moment où on l'aide correctement, il arrivera finalement à rattraper son retard et lira comme les autres.
Un retard, on peut le combler... mais un trouble, lui, ne disparaîtra jamais : si l'on reprend l'exemple de la lecture, on parlera ici de dyslexie. En revanche, on peut trouver des moyens de compensation, des techniques pour le contourner : un dyslexique devra, toute sa vie, mobiliser plus d'efforts que les autres pour lire... mais ça ne signifie pas qu'il n'y parviendra jamais.
Articulation, parole et langage
Il s'agit en fait des trois niveaux de langage (à ne pas confondre avec les 3 articulations du langage !)
Le premier est celui des phonèmes (les sons de la langue, si vous préférez : [p], [z], [µ]... attention à ne pas les confondre avec les noms des lettres : [p] ne se lit pas "pé" mais "p") : si un ou plusieurs phonèmes sont mal produits, on observera alors un trouble de l'articulation (ou "dyslalie", pour faire intello).
Il y a trois types de troubles de l'articulation :
- les distorsions (le phonème est remplacé par un bruit faux, qui n'existe pas)
- les omissions (le phonème n'est pas prononcé : "la voitu' ")
- les substitutions (le phonème est remplacé par un autre phonème de la langue : [tr] remplacé par [kr] "papa est au kravail)
Ici, l'utilisation du terme "trouble" est contestable puisqu'on peut rééduquer la dyslalie jusqu'à "guérison" complète.
Le deuxième niveau est celui du mot : si le mot est déformé, on parle alors de retard de parole. "Oui, mais dans le trouble de l'articulation, le mot aussi est déformé !" me direz-vous. Eh bien, pas exactement : dans la dyslalie, le phonème n'est jamais prononcé correctement alors que dans le retard de parole, il peut ne pas être prononcé correctement dans un mot et l'être parfaitement dans un autre. Par exemple, prenons le mot "voiture" : si l'enfant dit "voitu' ", il peut soit avoir un trouble d'articulation (l'omission systématique du [r]), soit avoir un retard de parole (l'apocope : omission d'une consonne en fin de mot). Pour connaître son problème, il faudra lui faire dire d'autres mots avec le phonème [r] : s'il parvient à le prononcer dans d'autres mots, alors c'est un retard de parole.
Il n'y a pas que des omissions : l'enfant peut mélanger les syllabes d'un mot ("valabo" au lieu de "lavabo"), confondre des mots proches ("carte" et "quatre"), ajouter des phonèmes ("crocrodile" au lieu de "crocodile"), etc.
Le troisième niveau est celui du langage : en cas de retard, c'est la phrase qui sera affectée, ou plus exactement le système. Par exemple, l'enfant dira "moi manger gâteau"
Mais minute papillon ! Comment que ça se fait qu'on parle de trouble d'articulation ?
Vous vous souvenez de la différence entre retard et trouble ?
Petit rappel : un retard se comble, c'est un simple écart dans le temps, tandis qu'un trouble restera toujours et on ne pourra que le compenser.
Pourtant, on parle de trouble d'articulation : étrange, puisque le petit loup qui zozote (oui, je gagatise avec mes petits patients, ce sont mes petits loups), s'il est pris en charge, finira par articuler correctement. Ce n'est donc pas à vie, il peut "récupérer" complètement.
D'ailleurs, on parle bien de retard de parole (tu viendras à mon pestacle ?) et de retard de langage (toi pas beau !)...
Oui, mais voilà, lorsqu'il a fallu faire la nomenclature (la liste de tout ce que font les ortho), il a fallu faire vite et donc on n'a pas fait trop trop gaffe aux appellations...
Bref, normalement, quelqu'un de rigoureux parlerait plutôt de "retard d'articulation".
L'illettrisme
Avec l’obligation scolaire, on pourrait penser que l’illettrisme ne concerne que le tiers-monde et pourtant… ça touche pas moins de 3 millions de personnes en France… ça en fait des gens ! Mais au fait, c’est quoi l’illettrisme ? Et quelle est la différence avec l’analphabétisme ? Et puis d’abord, pourquoi est-ce que je vous parle de ça ? Deux minutes, je vous explique tout !
Illettrisme, analphabétisme… kesako ?
Une personne analphabète, c’est quelqu’un qui n’a jamais bénéficié d’un enseignement du langage écrit. En revanche, une personne illettrée, si… simplement, pour diverses raisons, elle n’est pas allée jusqu’au bout de cet apprentissage, si bien que le recours à la lecture et à l’écriture n’a rien d’évident pour elle. Cette personne n’utilise pas le langage écrit comme mode d’expression privilégié et ne peut pas s’en servir dans la vie quotidienne : elle ne peut pas rédiger une liste de courses, lire les panneaux routiers ni le programme télévisé.
Et l’obligation scolaire, dans tout ça ? me demanderez-vous. Eh bien, même si on doit aller à l’école jusqu’à 16 ans, il y a des biais : manque de motivation, dyslexie non diagnostiquée qui a entraîné de lourdes difficultés, problèmes de santé causant un retard que l’enfant n’a pas pu rattraper et qui l’a poussé à arrêter l’école…
Quelques idées reçues…
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les personnes illettrées ne viennent pas forcément d’un milieu social défavorisé, et une grande majorité (75% d’entre elles) parlaient exclusivement français à la maison, avant l’âge de 5 ans. D’autre part, leur expression orale n’est pas forcément déficitaire.
En fait, il n’y a pas qu’un seul profil : chaque cas est particulier. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on parle plutôt de personnes « en situation d’illettrisme ».
Plein de profils mais quelques points communs aussi
Les personnes illettrées sont majoritairement des hommes et ont généralement plus de 45 ans. Leur vécu par rapport à l’école est souvent difficile. L’écrit étant omniprésent, elles ont dû développer des stratégies de compensation : elles ont souvent une très bonne mémoire, ont appris à reconnaître les panneaux des localités les plus proches de chez elles (mais au lieu de lire, elles les appréhendent comme des logos, d’où quelques cafouillages lorsqu’elles sont confrontées à des noms de villes qui se ressemblent), demandent aux commerçants de remplir les chèques pour eux parce qu’ils ont oublié leurs lunettes, … En effet, ils cherchent souvent à cacher leur situation.
Elles se retrouvent prises dans un cercle vicieux car, n’ayant pas accès aux informations écrites, elles sont exclues de la vie en société (impossible de lire le programme d’un homme politique ou même son nom sur un bulletin de vote…) et plus elles sont exclues, moins elles accèdent aux informations.
Et les orthos, dans tout ça ?
Depuis… euh… un certain temps… la lutte contre l’illettrisme est inscrite dans la nomenclature des orthophonistes. Mais, attention, les personnes étrangères qui ne parlent pas Français ne sont pas du ressort des orthos mais des enseignants FLE (Français Langue Etrangère). Quel que soit l’âge, la prise en charge de l’illettrisme par les orthophonistes est remboursée par la sécurité sociale.
Généralement, les personnes illettrées qui viennent pour une prise en charge ont été poussées par un objectif bien précis : passer le permis de conduire, obtenir une promotion,…
Ces personnes ont souvent quelques idées reçues sur le langage écrit : par exemple, elles pensent souvent qu’il faut apprendre par cœur l’orthographe de tous les mots pour pouvoir écrire.
Leur vécu par rapport à l’école étant très négatif (ils disent souvent qu’ils ne sont pas faits pour l’école), il faut éviter de retourner dans des techniques qui s’apparentent trop aux méthodes scolaires. D’autre part, il s’agit d’adultes et non d’enfants en plein développement, ce qui a un impact sur leur apprentissage.
Il faut éviter des techniques trop scolaires car il ne s’agit pas d’enfants en plein développement mais d’adultes. D’autre part, leur vécu par rapport à l’école est souvent très négatif : ils affirment d’ailleurs qu’ils ne sont pas faits pour l’école, alors qu’en fin de prise en charge, ils ont tendance à dire qu’ils auraient voulu continuer leurs études.
L'entrée dans le langage écrit
Essayez de lire le texte suivant (sans vous aider de l'écrit !), en sachant que les lettres ont été remplacées par celles qui les précèdent dans l'alphabet ("a" remplacé par "b", "b" remplacé par "c"...):