Neurologie

Plan de la page :

Apraxie et agnosie

Aphasie

La négligence spatiale

L'énigme Alzheimer

 

Apraxie et agnosie

L'apraxie et l'agnosie sont des troubles rares et plutôt... (comment dire ?) originaux.

L'apraxie

Définissons d'abord ce qu'est une praxie : du grec praxis, ce terme signifie action, mouvement. La praxie est le fait d'adapter ses mouvements à un but de façon volontaire.
Par exemple, la praxie de la bulle de chewing-gum (oui, j'ai toujours de superbes exemples) : on met le chewing-gum dans la bouche, on mâche, etc etc...
L'apraxie est donc l'absence de cette adaptation.
Si on perd la praxie de la bulle de chewing-gum, on devient incapable de faire sa petite bubulle : non seulement on ne retrouve pas la façon de faire mais, en plus, on ne peut pas la réapprendre.
Pour la bulle de chewing-gum, à la rigueur on s'en moque, mais... si c'est la praxie de l'habillage ou de la marche, par exemple, là, c'est moins drôle...
On m'avait un jour parlé de cette brave madame qui, dans un train, avait dû demander l'aide des autres voyageurs pour la rhabiller alors qu'elle était aux toilettes...
A ce qu'il paraît, il existe même une apraxie des paupières : le sujet est incapable d'ouvrir et/ou de fermer les yeux volontairement, il ne peut le faire que par réflexe (par exemple en réaction à un bruit fort).

L'apraxie est due à une lésion corticale et se manifeste en l'absence de déficit moteur, de trouble de la coordination motrice, de déficit sensitif ou de trouble de la compréhension.

L'agnosie

Gnosie vient du grec gnôsis qui signifie connaissance : il s'agit de la perception, de la connaissance élémentaire (merci Bobby, ça nous avance !).
L'absence de gnosie (l'agnosie), se caractérise par un défaut de reconnaissance des objets au sens large. Il y a différents types d'agnosies : visuelle, spatiale, tactile, auditive et corporelle.
Par exemple, dans le cas d'une agnosie visuelle, le sujet est incapable de reconnaître les objets en utilisant la vue alors qu'il n'est pas malvoyant : montrez-lui une trompette et il sera incapable de la reconnaître. Mais si vous en jouez ou si vous lui permettez de la toucher, il la reconnaîtra. Ce n'est pas un problème de mémoire mais seulement de reconnaissance : si vous lui demandez ce qu'est une trompette, il saura vous répondre.
L'agnosie est généralement variable selon l'objet et le contexte : si vous lui montrez un recueil de partitions qui traîne sur le sol, il sera incapable de vous dire de quoi il s'agit ; mais si on le place sur un piano, il y parviendra.

Mais il peut arriver un cas extrême que l'on appelle "cécité psychique" où le sujet est incapable de reconnaître le moindre objet.

Couramment associée à l'agnosie des objets, on trouve aussi l'agnosie des images où les dessins, les figures géométriques, les emblèmes, les panneaux de circulation, etc. ne sont pas reconnus.

Un petit mot de vocabulaire qui risque de tomber aux concours :
anosognosie : c'est le fait qu'un patient ne soit pas conscient de son trouble (on peut le voir dans Alzheimer ou dans une aphasie, par exemple).

 

Aphasie

L'aphasie étant un sujet assez difficile, j'ai choisi d'en faire d'abord une présentation rapide pour les personnes qui souhaitent savoir de quoi il s'agit et une présentation un peu plus détaillée pour celles qui aimeraient aller plus loin.

Présentation rapide

Définition du Petit Robert 2007 : Trouble de l'expression et/ou de la compréhension du langage oral (surdité verbale) ou écrit (cécité verbale ou alexie), dû à une lésion cérébrale localisée, en l'absence d'atteinte des organes d'émission ou de réception.

Suivant les zones touchées, les symptômes ne seront pas les mêmes : le patient, par exemple, peut vous comprendre assez bien mais être incapable de prononcer un mot correctement (il va dire un mot qui n'a rien à voir ou prononcer quelque chose d'incompréhensible). Certains répètent toujours la même chose : par exemple, un des premiers patients aphasiques pris en charge avait été surnommé "le père Tan" parce qu'il répétait sans cesse "tan tan tan" en croyant être compréhensible (il peut arriver que le patient ne soit pas conscient de son trouble* et soit persuadé de dire des choses intelligibles). Ce qui peut surprendre, c'est que dans ce cas, la prosodie (c'est-à-dire la mélodie du langage, ou les intonations si vous préférez) est conservée : s'il veut vous dire "bonjour", le patient utilisera la bonne intonation mais ne parviendra pas à prononcer le terme correctement ; s'il est en colère, vous le comprendrez au ton de sa voix mais pas à ses mots.
Il peut également exister des persévérations : le patient est bloqué sur un mot et va le répéter involontairement.

On a tendance à croire que les aphasiques ont perdu leurs capacités intellectuelles (puisqu'on juge l'intelligence par le biais du langage) alors que l'intelligence n'est pas affectée, c'est "seulement" l'accès au langage qui est difficile. Ils ne sont pas sourds non plus, donc il faut bien faire comprendre à l'entourage qu'il ne faut pas les infantiliser et que crier est inutile.

Donner le début du mot peut aider le patient à le prononcer.

Ce trouble peut affecter n'importe qui mais ce sont généralement les personnes de plus de 60 ans qui en souffrent car la cause principale d'une aphasie est l'AVC (accident vasculaire cérébral).

Les langues étrangères sont aussi affectées que la langue maternelle car ce n'est pas la connaissance de la langue en elle-même qui est touchée. Un sourd aphasique aura donc les mêmes problèmes en langue des signes.

Théoriquement, la rééducation doit se faire par des séances d'une heure 5 à 6 fois par semaine... c'est donc assez difficile à mettre place, surtout que c'est assez fatigant pour le patient comme pour le thérapeute.

L'aphasie peut également affecter (temporairement mais quand même) les migraineux : un témoignage se trouve dans les commentaires.

Vous trouverez une vidéo en cliquant ici.


* Vous vous souvenez ? C'est l'anosognosie : le patient n'est pas conscient de son trouble : pas évident de mener une rééducation dans ce cas !

 

Le 2 juin, l'émission Allô Docteurs était consacrée à l'aphasie : vous pouvez accéder à la vidéo en cliquant ici (jusqu'au 8 juin)... ou à la transcription écrite en cliquant ici.

 La journée nationale de l'aphasie est le 6 juin.

 Site à visiter : http://www.aphasie.fr/

 
Pour en savoir plus

L’aphasie est à mon avis le pire morceau dans les études d’orthophonie mais aussi un des plus intéressants. Je vais essayer de décortiquer tout ça (avec mes cours pas trop loin…).

L’aphasie est un trouble neurologique du langage lié à une lésion cérébrale (souvent causée par un AVC, c’est-à-dire un accident vasculaire cérébral). Dans la majorité des cas, elle marque définitivement la communication d’un individu car seul un quart des patients retrouve un langage voisin de son niveau antérieur, qui lui permettra une bonne communication sociale orale et une reprise professionnelle. Cela signifie que les 3/4  des patients aphasiques ne récupèrent pas ! La moitié conserve des troubles notables à savoir une réduction avec une lenteur d’expression, un manque du mot et un trouble du langage écrit. Enfin, le quart restant garde des séquelles très lourdes : un intermédiaire est nécessaire pour communiquer et il faut que le contexte reste concret (par exemple, il y aura des difficultés dès qu’on parlera de quelque chose qui n’est pas présent).

Il y a une phase aigue de récupération qui dure un mois. Ensuite, la récupération spontanée est intense jusqu’à 6 mois, c’est-à-dire qu’il y a récupération avec ou sans rééducation. Toutefois, la rééducation intensifie cette rééducation. Pendant ces 7 premiers mois, la prise en charge devra être de 3 séances par semaine puis on passera à 5 séances par semaine.

La prise en charge devra être menée tant qu’il y aura une amélioration. En moyenne, la rééducation dure de 18 mois à 2 ans. Plus la récupération sera rapide les premiers mois, plus elle sera importante. En revanche, on peut être pessimiste s’il y a peu d’amélioration les 3 premiers mois.

L’arrêt de la rééducation ne doit pas être brutal mais négocié avec le patient car arrêter signifie admettre le trouble, admettre d’être différent et de garder des séquelles. Or, ces patients restent très longtemps dans le déni. Les aider à prendre conscience de leur état fait partie de la rééducation. L’arrêt est souvent difficile également pour l’orthophoniste car il s’agit d’admettre de ne pas pouvoir aider le patient davantage.

La rééducation ne se fait pas en fonction du type d’aphasie mais en fonction des symptômes.

Il y a deux grands tableaux dans l’aphasie (mais pas les seuls...) :

- l’aphasie de Broca ou aphasie motrice qui est une aphasie non fluente, c’est-à-dire qu’elle tend vers une réduction de la production (le patient parle moins) avec beaucoup de manques du mot.

- l’aphasie de Wernicke est l’inverse puisque le patient parle abondamment (logorrhée) mais ce qu’il dit a peu de sens car son langage est très transformé (il fait beaucoup de paraphasies). Par ailleurs, le patient est anosognosique : il n’est pas conscient de son trouble, il est convaincu de parler normalement. D’autre part, sa compréhension est très altérée.

L’aphasie de conduction est un tableau particulier que l’on observe soit d’emblée soit à la suite d’une aphasie de Wernicke. Le patient est conscient de son trouble et cela se traduit par des conduites d’autocorrection. La compréhension est assez bien conservée.

L’anarthrie et les troubles arthriques

Les troubles arthriques sont des troubles de la 3e articulation du langage, c’est-à-dire au niveau de la sélection des traits pertinents des phonèmes.

Les phonèmes sont les sons du langage.

Les traits pertinents des phonèmes sont les caractéristiques des phonèmes. Ces traits caractéristiques sont

- le point d’articulation (par exemple, le point d’articulation du /b/ se situe au niveau des lèvres : on dit que c’est une consonne bilabiale)

- le voisement (le fait que l’on fasse vibrer les cordes vocales : par exemple, c’est la différence entre le /b/ et le /p/ car le /b/ est voisé – ou sonore, on fait vibrer les cordes vocales, alors que le /p/ est non voisé – ou sourd – c’est-à-dire que les cordes vocales ne vibrent pas)

- l’oralité ou la nasalité (le fait que l’air passe par la bouche ou par le nez : par exemple, le /b/ et le /m/ sont des consonnes bilabiales voisées, mais se différencient par le fait que l’air passe par la bouche pour le /b/ tandis que l’air passe par le nez lorsqu’il s’agit du /m/).

Dans les troubles arthriques, le patient n’arrive plus à articuler les phonèmes. Le trouble se situe au niveau de la programmation des phonèmes, ce n’est donc pas au niveau l’articulation mais en amont que ce situe le problème (il ne s’agit pas d’un trouble de l’articulation mais un trouble du langage car le problème se trouve au niveau du choix, de la sélection des traits pertinents des phonèmes).

Il s’agit de troubles pathognomoniques de l’aphasie de Broca (leur présence signe une aphasie de Broca).

Lorsque ces troubles sont majeurs, on parle d’anarthrie : le patient est incapable de prononcer le moindre phonème ou alors il y a une dissociation automatico-volontaire, c’est-à-dire que le patient est incapable de prononcer des phonèmes volontairement, sur demande ou imitation. En revanche, il peut parler dans des circonstances automatiques : par exemple, on peut se retrouver face à un patient dont on n’a jamais entendu la voix, qui nous dit « à vos souhaits » en nous voyant éternuer. Il ne le fait pas exprès : il s’agit d’un automatisme.

Les troubles arthriques sont aléatoires : un phonème correctement articulé un jour pourra ne plus l’être le lendemain. Ils augmentent avec la fatigue ou au contraire au début de la journée, dans les moments chargés émotionnellement, notamment lors d’épisodes de colère. Cela peut effrayer le patient et l’amener à penser qu’il refait un AVC (accident vasculaire cérébral).

Souvent, les patients gardent une intonation particulière qui peut faire penser à un accent allemand ou alsacien : ce peut-être très mal vécu par les patients, surtout à cause de la seconde guerre mondiale…
 

Les jargons et paraphasies

Une paraphasie est une atteinte de la production lexicale (la production des mots).

Le problème concerne :

- soit le choix des phonèmes (des sons) : les sons sont remplacés par d’autres (il peut dire « tomite » pour « tomate »). Il s’agira alors de paraphasies phonologiques. S’il y a tellement de transformations que le mot est méconnaissable, on dira qu’il s’agit d’un néologisme.

- soit le choix des mots : les mots sont remplacés par d’autres (« chat » peut être remplacé par « chien ») et on parlera alors de paraphasies sémantiques.

Il y a des paraphasies dans toutes les aphasies.

S’il y a quelques paraphasies, on s’en tiendra au terme de « paraphasies ». Mais si elles sont très fréquentes, qu’elles rendent le langage incompréhensible, on parlera alors de jargon. Dans ce cas, il ne pourra plus s’agir de n’importe quelle aphasie mais d’une aphasie de Wernicke : le jargon est pathognomonique de l’aphasie de Wernicke.

Une paraphasie est une atteinte de la production lexicale (la production des mots).

Le problème concerne

- soit le choix des phonèmes (des sons) : les sons sont remplacés par d’autres (il peut dire « tomite » pour « tomate »). Il s’agira alors de paraphasies phonologiques. S’il y a tellement de transformations que le mot est méconnaissable, on dira qu’il s’agit d’un néologisme.

- soit le choix des mots : les mots sont remplacés par d’autres (« chat » peut être remplacé par « chien ») et on parlera alors de paraphasies sémantiques.

Il y a des paraphasies dans toutes les aphasies.

S’il y a quelques paraphasies, on s’en tiendra au terme de « paraphasies ». Mais si elles sont très fréquentes, qu’elles rendent le langage incompréhensible, on parlera alors de jargon. Dans ce cas, il ne pourra plus s’agir de n’importe quelle aphasie mais d’une aphasie de Wernicke : le jargon est pathognomonique de l’aphasie de Wernicke.

 

L’inhibition psycholinguistique

Il y a deux cas de figure où le patient ne peut plus parler :

- l’anarthrie, vue précédemment, où le patient est incapable d’articuler le moindre son

- l’inhibition psycholinguistique, où le patient n’a pas accès aux mots (il a tellement de manques du mot qu’il n’est plus à même de parler) car il est incapable de passer de l’idée à sa réalisation linguistique

Il peut y avoir des manques du mot dans toutes les aphasies mais lorsqu’ils sont extrêmement nombreux, cela signe une inhibition psycholinguistique.

Pour comprendre l’origine d’un manque du mot, il faut comprendre le modèle cognitif en dénomination de Morton. Un modèle cognitif, c’est un schéma qui décortique ce qu’il passe dans le cerveau pour arriver au résultat recherché. Ici, on s’intéresse à la dénomination, c’est-à-dire à toutes les tâches que le cerveau est amené à faire lorsqu’une personne est confrontée à une image et qu’elle doit dire ce qu’elle représente.

Dans un premiers temps, il y a une analyse visuelle : le cerveau repère dans l’image les ombres, les lumières, les caractéristiques visuelles…

Il y a alors une activation du système pictogène, c’est-à-dire que les formes connues sont identifiées (c’est une forme oblongue) avant d’arriver au système sémantique, c’est-à-dire au sens (ça s’épluche, ça se mange, c’est sucré). Lorsque le concept est reconnu, cela active le lexique phonologique, c’est-à-dire l’ensemble de sons qui correspond à ce concept ([pwar]). Tout ceci passe en mémoire de travail et la personne donne le mot.

Donc pour résumer :



Les modèles comme celui de Morton sont appelés modèle en cascades, mais en fait, il s’agit de processus quasi simultanés tant ils sont rapides (on aurait plutôt une inclusion de fonctionnement).

Ce modèle permet de comprendre les deux origines possibles du manque du mot :

-          soit le problème se situe au niveau du système sémantique : la personne n’a pas (ou pas assez) d’informations sémantiques sur le mot et ne peut donc activer sa forme phonologique. Elle alors donner un autre mot ou alors aucun mot. On parlera de manque du mot d’origine sémantique pure.

-          Soit le problème se situe au niveau du lexique phonologique : le patient a suffisamment d’informations sémantiques mais ne parvient pas à activer le lexique phonologique (ça vous est déjà arrivé : mais si, je l’ai sur le bout de la langue !). On parlera alors de manque du mot d’origine phonologique pure.

En fait, les choses ne sont pas aussi simples car on aura généralement ces deux types de manques du mot, et plutôt une altération majoritairement sémantique ou majoritairement phonologique.

Il est important de faire la différence car suivant le type de manque du mot le patient n’aura pas besoin de la même aide :

-          si le manque du mot est d’origine sémantique, le patient a besoin d’informations sémantiques supplémentaires (c’est rond, ça sert à…, j’en achète tous les matins en prenant le bus, c’est un animal, ça fait tel bruit…) et lui donner des éléments phonologiques supplémentaires est complètement inutile puisque pour activer le lexique phonologique, il faut avoir suffisamment d’informations sémantiques

-          si le manque du mot est d’origine phonologique, il sera à l’inverse inutile de lui donner des informations sémantiques puisqu’il en a déjà suffisamment, mais il faudra lui donner une aide phonologique( c’est un fffff, c’est un mot qui ressemble à, qui commence par, qui termine comme peluche…)

 

Partons de l’inhibition psycholinguistique (le patient a tellement de manques du mot qu’il est incapable de parler). La rééducation consistera d’abord refaire émerger la parole en utilisant tous les conditionnements du langage : les séries automatiques (compter, les jours de la semaine…), le langage de confection (tout ce qui est règle de politesse) … On utilise toutes les formes de langage qui se font de façon automatique : en fait, le patient le produit de façon involontaire, contrainte. Il arrive par exemple qu’un patient n’ayant jamais parlé nous dise soudain « à vos souhaits ! » lorsqu’on éternue (donc de temps en temps on va s’amuser à éternuer^^) mais si on lui demande de le dire de façon volontaire, il en sera d’abord incapable.

Lorsqu’il sort de son inhibition, le patient peut retrouver progressivement des productions verbales de plus en plus variées ou au contraire, aller vers une production unique : la stéréotypie.

La stéréotypie est une production unique, systématique et incontrôlée : le patient est incapable de dire quoi que ce soit d’autre. Il peut s’agir d’une syllabe, d’une locution (« ben voyons »…) ou encore un néologisme (babi). Il peut s’agir de « oui », ce qui pose de gros problèmes : de façon générale, avec un patient aphasique, il faut toujours se méfier du « oui » et du « non » qui ne sont pas forcément ce que le patient veut dire. D’autres fois, la stéréotypie peut être un juron.

Le patient n’émet rien d’autre que la stéréotypie : à chaque fois qu’il voudra s’exprimer, c’est la stéréotypie que l’on entendra, même en lecture.

En revanche, on ne retrouve que très rarement la stéréotypie à l’écrit, mais l’expression écrite est souvent très réduite voire absente. Il faut bien expliquer à l’entourage du patient qu’il ne s’agit pas de ce qu’il veut dire mais qu’il n’y parvient pas.

Le patient est anosognosique : il est convaincu de s’exprimer normalement. D’ailleurs, la mélodie du langage et la communication non verbale sont préservées.

La stéréotypie est une urgence thérapeutique qui justifie une prise en charge à raison d’au moins 3 séances par semaine ! Il faut absolument stopper la stéréotypie car le patient risque de la garder jusqu’à la fin de sa vie (le patient qui a été à la base des travaux de Broca était surnommé « Père Tan » : il était incapable de dire autre chose que « tan »). Il ne faut surtout pas répéter la stéréotypie (« quoi ? oui, oui, oui ? ») ni encourager le patient à la répéter car cela ancrerait davantage la stéréotypie. La rééducation consiste au départ à interdire au patient de parler, et cela nécessite la participation de la famille. Evidemment, on ne peut pas l’en empêcher totalement (essayez d’arrêter de parler pendant des jours et des jours…), mais il faut l’amener à comprendre que ce n’est pas souhaitable pour lui de répéter la stéréotypie.

Très progressivement, on essaiera de ramener le patient vers un contrôle de son élocution.


Les troubles de la compréhension

L’expression n’est pas le seul versant du langage à être altéré : la compréhension est souvent atteinte.

Comprendre ne se limite pas à comprendre ce qui est dit (c’est la « compréhension dénotative ») mais c’est aussi comprendre ce qui est dit au-delà du message. Il est important de garder ça à l’esprit car un patient qui fait ce qu’on lui demande n’a pas forcément compris les mots que l’on a prononcés mais a interprété nos mimiques, nos gestes (si on lui demande un objet et qu’on le regarde ou qu’on le montre en même temps, il n’a pas besoin de nos mots pour comprendre). Pour cette raison, la famille et parfois le personnel médical remettent en question le diagnostic de trouble de la compréhension, alors même qu’ils peuvent être majeurs.

Plusieurs facteurs influencent la compréhension, tels que le nombre de participants à la conversation, les actes référentiels (si on dit que la séance est terminée, que l’on range le dossier et qu’on ouvre l’agenda pour le rendez-vous suivant, cela donne un certain nombre d’indications pour renforcer ce qu’on vient de dire), la longueur des énoncés. 

Il existe aussi un modèle cognitif pour la compréhension :

Il y a d’abord une analyse des sons ce qui permet d’identifier les phonèmes (sons de la langue stockés dans le lexique phonologique) puis le sens est identifié (activation du système sémantique).

On peut ainsi avoir deux types de troubles de la compréhension.

Il peut s’agir d’une perturbation du système d’analyse acoustique et de conversion acoustico-phonologique, c’est-à-dire que l’aspect sonore du mot est mal identifié alors qu’il n’y a pas de trouble auditif (le patient n’est pas sourd).  C’est ce qu’on appelle une agnosie auditive. C’est comme s’ils percevaient une langue étrangère : d’ailleurs il y a des patient qui demandent dans quelle langue on leur parle. Certains patients vont avoir des troubles aléatoires : certains mots seront mieux perçus que d’autres.

L’agnosie auditive est pathognomonique de l’aphasie de Wernicke, c’est-à-dire que s’il y a une agnosie auditive, il s’agit forcément d’une aphasie de Wernicke et de rien d’autre. Le système d’analyse des phonèmes se trouve dans le lobe temporal, il n’y a donc pas de problème à ce niveau dans les aphasies de Broca.

Sinon, il peut s’agir d’une atteinte du traitement sémantique  et morphosyntaxique : il y a un problème d’accès au sens, au signifié, au concept. On admet que l’analyse acoustique des phonèmes est bonne pour pouvoir parler de cette atteinte, mais dans la réalité, c’est beaucoup plus compliqué que ça : on a des patients qui ont une atteinte du lexique phonologique qui va masquer dans un premier temps les troubles d’accès au concept.

Le trouble sémantique est observable dans tous les types d’aphasies.

Les troubles de compréhension existent dans tous les types d’aphasies et il est faux de dire que la compréhension est bien préservée dans les aphasies de Broca : il peut y avoir des troubles énormes dans les aphasies de Broca. Ce n’est pas une question d’intensité mais de qualité des troubles.

Les troubles de la compréhension ne doivent pas être confondus avec d’autres comme un trouble moteur (difficile de désigner une image dans un test de compréhension si on ne peut pas bouger le bras…), un trouble visuel, mnésique... Il arrive encore que des patients sourds profonds hospitalisés se retrouvent au service de neurologie parce qu’ils n’ont pas leur prothèse et qu’aucune famille ne s’est manifestée…

Il faut également faire attention à la perception de l’entourage : souvent, la compréhension est associée à la santé mentale…

Les troubles d’accès à la morphosyntaxe

Deux types de troubles peuvent atteindre la morphosyntaxe :

- l’agrammatisme, qui entraîne des simplifications et que l’on retrouve dans les réductions de l’expression

- la dyssyntaxie (ou paragrammatisme), qui entraîne un foisonnement (il y en a trop plutôt que pas assez) et que l’on retrouve dans l’aphasie de Wernicke.

 

La négligence spatiale

Dans ce syndrome, le patient semble avoir "oublié" l'existence d'une partie de l'espace suite à une lésion cérébrale. Si sa lésion est à gauche, il négligera l'espace à sa droite et si sa lésion est à droite, il négligera l'espace à sa gauche.  Il est très important de savoir repérer ce trouble car il peut fausser un diagnostic.

Si vous voulez en savoir plus, jetez un oeil à l'article de Wikipedia (ici).

Le lien suivant mène quant à lui à un fichier sur le diagnostic de ce trouble : www.neurologies.net/pathologies/contenu/Neuro41Pratique.pdfcliquez ici.
 

 L'énigme Alzheimer


 




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