Stage condensé libre : compte-rendu du 3e jour

19/6/2009

Encore une matinée qui semble mal engagée : on attaque par une visite à domicile et... les exos que je devais préparer pour travailler le manque du mot. A la limite, être seule avec la patiente me conviendrait parfaitement : ce n'est pas elle, le facteur de stress, mais le maître de stage. Et dire qu'il y en a qui se plaignent des maîtres de stage qui les laissent se débrouiller seuls pour pouvoir aller faire leurs courses : mais j'en rêve moi, de ce genre d'orthos !!!! Au moins, si je me plante, personne ne remarque =D. Eh ben non, il reste... et, tout compte fait, heureusement pour moi ! Parce que, mine de rien, rééduquer le manque du mot d'un aphasique, ce n'est pas une mince affaire. Evidemment, avec du matériel tout fait, c'est un peu plus facile, mais, moi, j'ai dû le faire à l'ancienne : avec du matériel créé par mes bons soins.
Je me pointe donc avec mes exos maison : une liste de mots pour lesquels il faut retrouver les antonymes, des proverbes tronqués, des phrases à compléter.  J'avais aussi pensé à faire des rébus ou à apporter des matériaux de différentes textures (pour demander à la patiente de trouver les mots pour les décrire) mais ça n'a pas été possible, par manque de temps... et d'inspiration. Je commence par l'exercice sur les antonymes... eh bien même avec un truc tout bête, on peut réussir à faire n'importe quoi. Les premiers mots ("fort", "pauvre") passent sans trop de problèmes... mais quelle idée de mettre "attentif", "bonté" et "connaître" ??? En y réfléchissant deux minutes, je me serais sûrement rendu compte que c'était pas franchement évident pour un aphasique !... Hallelujah, l'ortho est intervenu quand j'étais en galère : quand la patiente avait du mal à trouver le mot (c'est-à-dire euh... à chaque fois... ), il trouvait des moyens facilitateurs (donner des exemples de contexte pour lesquels le mot recherché serait adapté, donner une ébauche orale de la première syllabe, faire des bruitages...) qui me sortaient de ma panade. Même pour les proverbes dont il fallait retrouver la fin, ça n'a pas été évident : il y en avait certains que la patiente ne connaissait pas alors que je les trouvais très communs...

Ainsi donc, pour la prochaine fois, je saurai qu'il faut tenir compte, quand on créé un support de rééducation pour un aphasique, de :
- la fréquence du mot dans l'usage courant
- le nombre de réponses possibles : plus il y en a, plus il y a de chances qu'au moins une passer par la tête du patient
- le nombre d'indices donnés dans la phrase pour retrouver le mot
- le niveau culturel du patient
- les centres d'intérêt du patient
- les possibilités générales du patient

Avec le patient suivant (aphasique aussi), je découvre que même les exercices de répétition ne sont pas aussi faciles qu'on pourrait le croire : il faut faire extrêmement attention à son débit (surtout moi, qui suis une véritable mitraillette) et à son intonation. Mon maître de stage m’explique également que l’intonation montante est facilitatrice. Il faut d’ailleurs repérer les moyens facilitateurs propres au patient et en tenir compte. Une petite chose à savoir : ne pas reprendre systématiquement le patient lorsqu’il se trompe : il y a certains mots que le patient dira très mal à un moment mais, pour une raison un peu floue, il y parviendra très bien un peu plus tard.

Ensuite, nous retournons voir le patient qui a subi une chirurgie de la langue (je ne sais plus si je vous en avait déjà parlé…) et s’est, de ce fait, retrouvé avec une dysphagie (un trouble de la déglutition mais qui n’est absolument pas comparable à la déglutition atypique*) et de gros problèmes d’intelligibilité. Par ailleurs, on lui a trouvé des troubles cognitifs qui laissent penser à une démence. Pourtant, la seule chose dont il se plaint, c’est la douleur… c’est dire l’importance de comprendre ce phénomène et, malheureusement, on ne nous en parle pas vraiment pendant la formation.

Mon maître de stage me montre ensuite  des patients dans le coma : ah ben ça a les yeux ouverts, un comateux ? Pis ça cause en plus ? Ben il est pas dans le coma ! Ben si… je viens de découvrir que ce qu’on voit dans les films, c’est pas forcément la réalité (ça laisse de l’espoir pour la maman de Bambi) : il y a plusieurs stades de coma et dans certains cas, les patients ont les yeux ouverts, peuvent éventuellement murmurer quelque chose… Mais, l’Orthophonie, ça permet de les faire sortir de cet état ou « seulement » de conserver leurs facultés pour le jour où ils se « réveilleront » ? En fait, on n’en sait rien, mais on tente le coup quand même, au cas où… Ah ! J’oubliais ! Il ya une façon de faire quand on va voir un comateux : on met d’abord en place un contact visuel en se plaçant bien dans son champ de vision, puis une stimulation auditive en lui parlant et, enfin, le toucher en lui prenant la main. Le livre Humanitude, de Yves Gineste et Jacques Pellissier, parle d’ailleurs de l’importance de ce contact tactile.

Puis, petit changement d’environnement puisque nous allons dans une maison de retraite. Je vois alors de mes propres yeux ce dont on parle tant à la télé : des patients alignés en rangs d’oignons dans le couloir et… rien. Mis à part attendre la mort, je ne vois pas trop ce qu’ils font. Et apparemment, ça ne choque pas grand monde…

La patiente qui nous attend dans sa chambre met bien 5 min avant de me serrer la main que je lui tend ostensiblement. Okay, bon, ben je suis peut être pas la bienvenue… mais pourtant elle est charmante cette dame ! Elle a la tchatche, elle rit beaucoup, est très souriante. Ca cache quelque chose, moi je dis ! Comme toujours, mon maître de stage ne me dit pas de quoi il s’agit, à moi de cogiter dans mon coin. J’observe donc… L’ortho lui tend un carton de couleur et, comme lorsque je lui tendais la main, la dame a besoin d’un bon moment pour percuter que c’est un carton et qu’elle doit le prendre. Vous avez deviné ce qu’elle a ? Un dernier indice : lorsque nous partons, la patiente décide d’aller dehors pour fumer mais l’ortho la laisse faire le trajet seule : il m’explique que ce n’est pas un problème car elle a très bien investi les lieux mais elle serait complètement perdue dans un lieu inconnu. Vous l’aurez compris : cette patiente a une agnosie visuelle (ce trouble est expliqué dans l’article sur la neurologie).

 

* La déglutition atypique est une déglutition incorrecte, souvent parce que le patient a conservé la déglutition du nourrisson plutôt que de passer à la déglutition adulte. C’est la position de la langue qui est mauvaise : on pourra donc observer, suivant les cas, des dents mal placées (à cause de la poussée de la langue) ou encore un trouble de l’articulation. C’est un problème qui se corrige relativement facilement.

La dysphagie, quant à elle, est un trouble de la déglutition qui peut, suivant le cas, mettre la vie du patient en danger à cause des fausses routes qui l’accompagnent parfois. Elle peut être due à des lésions secondaires à une chirurgie (par exemple, dans le cas d’une chirurgie de la langue, le patient a du mal à projeter le bol alimentaire avec la langue), des lésions du système nerveux, … Par exemple, si le patient a perdu le réflexe tussigène et qu’il fait une fausse route après la déglutition, une partie du bol alimentaire  peut se retrouver dans les poumons sans que le patient ne le sache, ce qui causera une pneumopathie.

Partagez sur les réseaux sociaux

Commentaires :

Laisser un commentaire
Aucun commentaire n'a été laissé pour le moment... Soyez le premier !



Créer un site
Créer un site