Stage condensé libre : compte-rendu du 2e jour

9/6/2009
3 commentaires

2e jour 8h30-12h et 13h30-16h30 (décidément, c’est zen)

Ce deuxième jour est plutôt mal parti : j’ai eu du mal à m’endormir, et après seulement 6h30 de sommeil, le réveil est plutôt difficile. Résultat des courses (tiens ! je viens de percuter que dans cette expression, « courses » ne se référait pas au shopping : un petit pas pour l’humanité, un grand pas pour moi !... sic !) : je pars avec un quart d’heure de retard. Tant mieux, je vais pouvoir pousser ma jolie voiture de location sur l’autoroute. J’arrive finalement à 8h25 sur le parking et 5 min plus tard, je suis dans le cabinet. Ouf ! Tout ça pour redescendre les 3 étages pour rejoindre le parking (je vous assure, c’est vraiment pas drôle quand on a une élongation musculaire qui donne un style docteur House) : la première consultation de la journée se fait à domicile.

La première patiente est atteinte d’une aphasie de Broca (pour résumer, elle a une assez bonne compréhension mais des difficultés à s’exprimer : elle fait des « transformations phonétiques » et a des manques du mot). L’orthophoniste lui présente plusieurs listes de mots comprenant chacune un intrus que la patiente doit déceler. Elle doit ensuite donner d’autres exemples de mots qui pourraient entrer dans la liste. Par exemple, dans la liste « voiture, bicyclette, taxi, voyage », l’intrus est « voyage » et on peut ajouter « vélo », ou encore… « tripode » (oui, bon, c’est pas le premier moyen de transport qui me serait venu à l’esprit mais pourquoi pas ?). Cet exercice permet notamment de travailler l’évocation lexicale (la capacité d’accéder à son lexique : dans ce type d’aphasie, le patient connaît les mots mais est incapable de les « faire sortir »), avec, si besoin, des aides de la part de l’orthophoniste (ébauche orale du premier phonème ou de la première syllabe, lecture labiale…). Mon maître de stage lui propose ensuite de lire un texte (il faut savoir que dans l’aphasie, le langage oral n’est pas le seul à être touché : la lecture et l’écriture le sont également) puis de répondre à des questions.

Retour au cabinet. Le patient suivant est un laryngectomisé total : enfin, je vais découvrir la rééducation de la voix oro-œsophagienne (vous savez, la voix « rotée »… faudra que je fasse un article là-dessus, d’ailleurs), parce qu’en théorie, c’est bien joli, mais c’est pas la pratique. L’orthophoniste demande au patient de gonfler les joues puis de comprimer l’air sans ouvrir la bouche (de l’injecter) pour pouvoir faire une éructation. Et voilà trois adultes parfaitement sains d’esprit, et intellectuellement normaux qui font le poisson-lune (l’ortho qui sert de modèle, le patient qui le suit et moi, qui imite dans mon coin). Vous pouvez me croire, c’est galère ! Du moins pour ceux qui, comme moi, n’ont jamais réussi à roter volontairement. J’arrive à peu près à injecter l’air dans l’œsophage mais impossible de le refaire sortir… et voilà que je me retrouve avec des bulles d’air coincées dans l’œsophage : c’est pas confortable mais, comme disait mon prof de voix oeso, « de toute façon, ça sortira forcément par un orifice ou un autre ! ». Oui, c’est glamour, l’ortho.

On passe ensuite à une aphasie de Broca (du moins, il me semble). La patiente est d’origine kabyle et le Français n’est pas sa langue maternelle : ce n’est donc pas toujours évident pour elle (ni pour l’ortho) car elle prononce tantôt des mots français, tantôt des mots kabyles. L’ortho commence par lui demander de répéter des mots plus ou moins compliqués avant de passer à des expressions où intervient la prosodie (la mélodie de la langue) comme « au secours ! » ou « bonjour ». Le but de ce dernier exercice est de faire travailler l’hémisphère mineur (c’est-à-dire celui qui ne gère pas la majeure partie du langage ; il s’agit en général de l’hémisphère droit et, ce, même pour une grande majorité des gauchers, contrairement à une idée reçue). En effet, chez cette patiente, l’hémisphère gauche (celui qui gère le langage) a été sérieusement lésé et il s’agit donc d’essayer de compenser en faisant travailler l’hémisphère droit (responsable, entre autre, de la prosodie).

Autre patient intéressant au cours de cette journée : un monsieur d’une cinquantaine d’années (oui, bon, je suis vraiment pas douée pour deviner l’âge de quelqu’un, mais alors vraiment pas !) avec lequel l’ortho se met à discuter pendant toute la séance, sans lui faire faire le moindre exercice. Il m’a précisé, avant l’arrivée du patient, qu’il ne fallait pas le mettre en situation d’échec et j’ai supposé que ce monsieur était un peu dépressif, ou avait de gros problèmes d’estime de soi. Eh ben non ! C’est l’inverse : c’est limite si la pièce est assez grande pour contenir son égo ! Et voilà que l’ortho discute avec lui des récentes élections, de son  métier, de sa famille… mais euh… il a quoi ce monsieur ? J’ai beau chercher la faille, je ne vois pas : il a un débit normal, un timbre correct, il ne transforme pas les mots, ses phrases sont bien structurées, il n’a pas de problème moteur… j’élimine rapidement l’aphasie, Parkinson ou encore la SEP. Et quand ce patient quitte le cabinet, je n’ai pas le moindre début d’hypothèse sur ce qu’il peut avoir. Eh bien c’est un Alzheimer ! Ah bon ? Mon maître de stage m’explique qu’il a de gros problèmes de mémoire à court terme : par exemple, quand l’ortho lui a demandé ce qu’il a fait ce dimanche, il ne s’est pas souvenu d’en avoir parlé quelques minutes auparavant, en évoquant les élections. Et moi, bien sûr, je n’ai même pas remarqué ! Super douée la stagiaire !

Bon, ben décidément, ya du boulot ! J’ai d’ailleurs noté quelques devoir dans mon agenda, par ordre de priorité :

1)      Trouver un anxiolytique qui me fasse arrêter de sursauter à chaque fois que sonne l’interphone (sérieusement, je ne sais pas qui a créé ces sonneries  mais alors !)

2)      Créer du matériel pour travailler l’évocation lexicale avec l’une des patientes aphasiques… ce qui implique de faire en sorte d’arrêter de flipper parce que l’ortho sera là pour juger mon travail. Oooouh que je le sens pas !!!

3)      Revoir le travail des praxies bucco-faciales puisque je n’ai finalement pas eu à le faire aujourd’hui mais que l’ortho me le garde pour plus tard.

 

Au moins un point positif dans ce début de stage : il semble que mes rires nerveux aient décidé de me foutre la paix ! Ceux qui n’ont jamais eu de rires nerveux ne peuvent pas comprendre ! Non, vraiment, désolée pour la séquence Calimero, mais vous ne pouvez pas savoir à quel point c’est l’horreur. En plus, on tombe dans un véritable cercle vicieux : « aaah mon dieu, j’ai peur ! » => rire nerveux => « ah mon dieu je viens de me ridiculiser avec ce ****** de rire ! » => rire nerveux => aaaaaaargh !!!

Bref, quand ça commence, ça ne s’arrête plus.

Eh bien là, rien, niet, nada ! J’ai même réussi à avoir l’air sérieux, dites donc ! Et pendant deux jours ! Wouhou ! Reste à espérer que ça continue !

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Commentaires :

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  • Cha dit :
    10/8/2009 à 12h 12min

    Très intéressant, d'autant que lorsqu'on n'est pas dans une école d'ortho, il est très difficile d'avoir un stage ! Enfin je n'ai pas réussi à roter volontairement mais maintenant, j'ai une quantité important d'air dans l'estomac ! Merci Futurortho ! =)

  • Futurortho dit :
    10/6/2009 à 12h 12min

    Eh oh !! T'en donnes pas non plus des nouvelles que je sache !! Pis si t'en veux, bah t'en demandes ! Et non, je ne supprime pas ton com (je ne omprends d'ailleurs pas trop trop le rapport avec le "putain" : si ça te fait plaisir d'être vulgaire sur mon site, ma foi, fais-toi plaisir, comme ça je pourrais dire que j'ai une patiente atteinte de Gilles de la Tourette ou d'un syndrome frontal). Pour le "mais pourquoi j'ai fait ça", je pourrais en citer au moins un pour chaque journée de stage... 586 (fais gaffe, Marina nous a démasquées !!! ;-)

  • LILI dit :
    10/6/2009 à 12h 12min

    il faut que je lise ton blog pour avoir des news, c'est dingue ça quand même !! Je vois que ton stage se passe bien, c'est cool, et aussi tres contente que ton rire te foute la paix, mais je te connais tu va quand même trouver quelque chose dont tu vas me parler en me disant "putain mais pk jai fait ça ??!!!" (je sais que tu vas effacer ce commentaire d'où le "putain" (bis)) 586 !!




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