Stage condensé libre : compte-rendu du 1er jour

8/6/2009
3 commentaires

Ce stage de 3e année (anticipée) est "condensé" : au lieu de suivre les mêmes patients pendant 10 demi-journées étalées sur une longue période, je viens 10 demi-journées consécutives. A Nancy, il nous est demandé d'éviter de faire ce genre de stages car cela empêche de voir l'évolution des patients. Nous n'avons donc le droit de n'en faire que deux.

Ce stage est dit "libre" car il ne rentre dans aucun cadre prédéfini (surdité, neurologie, divers handicaps, libéral, laryngectomie) : je serai amenée à voir différents types de patients et, ce, dans différents types de structures.

1er jour : 8h30-12h, 13h30-16h (cooooool)

La première partie de la matinée se déroule dans un centre pour adultes handicapés.

J’y rencontre « mon » premier patient IMC, ou plus exactement « ma » première patiente. Surprise : aucune chaise roulante contrairement à tout ce que j’avais pu voir à la télé. La patiente n’a certes pas une démarche « normale » mais elle marche. En revanche, c’est au niveau de l’articulation que ça pêche. Elle a en effet des difficultés avec les praxies bucco-faciales, ce qui fait qu’elle donne l’impression de mâcher un chewing-gum géant à chaque fois qu’elle s’exprime, et n’est pas toujours très intelligible. L’orthophoniste lui pose quelques questions sur sa semaine, et en profite (je suppose) pour vérifier le langage spontané. Il passe ensuite à une liste de mots que la patiente doit répéter pour l’entraîner à être intelligible. Comme cela nécessite des efforts (et que ce n’est pas franchement passionnant), les listes de mots sont entrecoupées de discussions sur le quotidien de la patiente.

Le deuxième patient présente quant à lui une anarthrie suite à un AVP (accident de la voie publique). Le langage est une véritable « bouillie », tout bonnement incompréhensible, sauf pour mon maître de stage qui semble parvenir à décoder (alors que l’exercice me paraît insurmontable, malgré tous mes efforts) ! J’apprendrai plus tard que ce patient a également un syndrome frontal (ce qui se manifeste, entre autres, par des troubles cognitifs, des troubles des fonctions exécutives ou encore –et non des moindres !- une perte de l’inhibition) et qu’il est ingérable sans camisole chimique (ce qui, en revanche, l’assomme complètement et nuit à la prise en charge). Le travail du jour est la lecture d’un texte à voix haute : je découvre que l’articulation est nettement améliorée, et que le patient est beaucoup plus intelligible (même s’il faut souvent lui demander de répéter).

Le troisième patient est IMC : prématuré à 5 mois et demi, les médecins avaient estimé qu’il ne survivrait pas. Et pourtant, comme il le dit lui-même, il est toujours là, et compte bien le rester. La vie ne semble décidément pas avoir été tendre avec lui puisqu’en plus d’être en fauteuil roulant, il est également porteur d’une bactérie contagieuse qui interdit tout contact physique (l’orthophoniste m’a d’ailleurs arrêtée lorsque j’ai voulu lui serrer la main) et l’oblige à rester isolé. La raison de la prise en charge orthophonique semble bien dérisoire à côté de toutes ces difficultés : ce patient présente un sigmatisme, c’est-à-dire un trouble de l’articulation portant sur les « s », « ch », « j » et « z ». Après avoir longuement discuté avec le patient, l’orthophoniste lui demande de lui donner une liste de 10 mots commençant par « ch ». L’exercice n’est pas toujours facile, mais le patient s’en sort relativement bien.

Nous quittons ensuite le centre pour en rejoindre un autre, perdu au fin fond de la campagne. Evidemment, j’ai oublié ma blouse, mais, heureusement, l’institut m’en prête une.

La première patiente est une dame de 84 ans. Mon maître de stage me demande de trouver ce dont elle souffre en observant la séance. Dur, dur ! Au départ, un léger tremblement de la main me fait penser à un Parkinson mais comme il ne persiste pas, je délaisse un peu ma première théorie. Pendant que je cogite, l’orthophoniste propose à sa patiente de travailler les praxies bucco-faciales : positionner la langue à différents endroits, avancer les lèvres comme pour faire un bisou, gonfler les joues ensemble puis simultanément, etc. Je repère qu’une hémiface est moins mobile que l’autre (un problème au niveau du nerf facial ?), et j’ai la vague impression que le bras opposé ne l’est pas franchement non plus : et si l’un des symptômes était une hémiplégie controlatérale ? Impossible de vérifier, la patiente ne bouge jamais le bras. Mais je continue sur ma lancée : l’hémiplégie, ça se retrouve souvent dans l’aphasie de Broca. Voyons voir, les symptômes de l’aphasie de Broca… une compréhension plutôt bonne… ok… un quasi-mutisme initial puis de nombreuses transformations phonétiques… ah bah non ! Une aphasique qui a récupéré, peut-être ? Mouais. Bof.  Bon, la dame est en chaise roulante… pourquoi pas une SEP ? Oui, mais elle est un peu âgée, je ne pense pas que ce genre de patient parvienne à 84 ans… Nous finissons par quitter la patiente et je n’ai toujours pas trouvé. Plus tard, quand mon maître de stage me demandera, je lui dirais que je suppose, sans être vraiment convaincue, qu’il s’agit d’un Parkinson : j’avais eu la vague impression, en serrant la main de la patiente, qu’elle présentait le phénomène de la roue dentée (une rigidité qui tend à fixer les membres dans la position qu’on leur impose)… loopé, mais presque ! Il s’agissait bien d’une SEP… comme quoi, j’aurais dû tenter ma chance !

Le patient suivant a subi une glossectomie partielle qui entraîne une dysphagie (trouble de la déglutition). Il a d’ailleurs eu une pneumopathie quelques jours auparavant du fait d’une fausse route (les aliments vont dans les poumons au lieu de l’estomac… et les poumons… disons qu’ils ne sont pas fans ; et comme certains patients ont perdu le réflexe de toux, ils ne peuvent plus empêcher le passage des aliments… d’ailleurs, ils ne le sentent même pas, et on peut passer à côté d’une pneumopathie potentiellement mortelle si on ne vérifie pas régulièrement leur état). C’est l’occasion pour moi de voir comment un patient s’alimente avec une sonde ainsi que les manœuvres de déglutition pour les aliments que le patient prend normalement. Le patient explique qu’après sa glossectomie, il ressentait une douleur très vive, semblable à des décharges électriques : d’après mon maître de stage, un gros manque de notre formation est justement l’évaluation de la douleur… comment prendre en charge un patient sans tenir compte de la douleur ??

Ensuite, mon maître de stage m’emmène voir des patients en coma végétatif : encore une idée reçue éjectée quand je découvre des patients avec les yeux ouverts (bien qu’un peu perdus dans le vide), et même l’un d’eux qui est capable de parler ! C’est bien loin de l’image que je me faisais des comateux !

Après la pause de midi, et une galère infernale pour retrouver le cabinet (au moins, j’aurais visité le coin !), mon maître de stage m’emmène avec lui pour ses consultations à domicile.

Nous arrivons d’abord chez un monsieur un peu réservé, dont la chambre a été aménagée avec notamment un lit d’hôpital. Là encore, l’orthophoniste me demande de trouver la pathologie tandis qu’il propose au patient de lire un texte puis de raconter l’histoire de mémoire ou en s’aidant d’images. Les grandes difficultés du patient m’orientent vers un Alzheimer… pas du tout ! Il s’agit d’un Parkinson : mon maître de stage m’expliquera plus tard qu’un Parkinson n’implique pas forcément des tremblements.

La patiente suivante est une dame très dynamique mais surtout charmante. L’orthophoniste lui propose de remettre des images en ordre (la cuisson des saucisses au barbecue, la préparation d’une salade et la cuisson des frites… ça ouvre l’appétit). L’étrange façon qu’a la patiente de ranger les images (elle commence à les ordonner de façon horizontale, puis verticale et encore horizontale, et, ce, pour une même série d’images) me fait penser à un Alzheimer. Mais je ne suis pas très à l’aise avec cette conclusion : je me rends compte que la mémoire de la patiente est, somme toute, pas si mal. Très vite, je me demande si elle n’a pas de problème visuel : c’est comme si elle ne voyait pas certaines images. Pourtant, lorsque l’orthophoniste lui demande de décrire l’une d’entre elles, la patiente s’en sort relativement bien et ne semble pas avoir de difficulté à voir certains détails. Oui, mais voilà que lorsque l’orthophoniste désigne une autre image, la patiente semble ne pas la remarquer. Je décèle une héminégligence visuelle : ce trouble neurologique est le fait que le patient, alors que son acuité visuelle est bonne,  ignore l’existence de la moitié de son champ visuel (l’hémiasotognosie est, quant à elle, le fait de ne plus avoir conscience de la moitié de son corps : les hommes, par exemple, ne vont raser que la moitié de leur visage ; à l’hôpital, ces patients vont se  plaindre que quelqu’un est venu dormir dans leur lit alors qu’il s’agissait de leur propre hémicorps !...). D’après mon maître de stage, il faut se positionner du côté négligé par le patient pour le pousser à faire attention à cette partie de son champ visuel et ainsi augmenter les chances de récupération.

Nous rentrons finalement au cabinet.

L’avant-dernier patient de la journée (ou plus exactement de ma journée, car si je quitte à 16h30, mon maître de stage, quant à lui, aura d’autres patients) a subi un curage des ganglions (l’un des traitement du cancer). Il présente une dysphagie et une dysphonie, ce dernier point étant particulièrement mal accepté par le patient, puisqu’il faisait partie d’une chorale…

Le dernier patient est, ce que j’apprendrais plus tard, un aphasique de type Broca qui a très bien récupéré et est donc en fin de prise en charge. L’orthophoniste lui montre des images illustrant des métiers qu’il doit identifier. Il lui présente ensuite des cartes avec des mots dont les lettres ont été mélangées (pas toujours évident !).

Et ma journée se termine sur de très bonnes impressions (excepté celle selon laquelle, décidément, je n’ai vraiment pas fait le tour du métier et je suis loiiiin de pouvoir prendre en charge un patient). Rendez-vous est donc pris demain, à 8h30. L’orthophoniste m’a dit que je devrais faire travailler les praxies bucco-faciales d’un patient… ah… euh… oui… mais… euh… c’est que je l’ai jamais fait moi… et puis euh… j’ai pas vraiment de cours là-dessus, moi… juste des indications trèèès globales… euh… help ?!

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Commentaires :

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  • Futurortho dit :
    09/6/2009 à 12h 12min

    Merci à vous ! Je n'ai finalement pas fait les praxies mais ça ne devrait plus tarder =(

  • Mathilde dit :
    09/6/2009 à 12h 12min

    Super le compte-rendu !! j'trouve que c'est vraiment clair.. surtout pour quelqu'un qui n'a pas encore suivi la formation. ça me rappelle un peu un stage que j'avais fait pour ma première année de Master en pathologie du langage, super intéressant, qui donne hâte de pratiquer, mais qui nous donne surtout l'impression de ne pas encore maitriser grand chose ! Pour la pratique de demain, courage ! Quand j'ai fait mon stage, l'orthophoniste me demandait souvent d'aller voir les patients en premier, ou de leur faire faire des exercices (alors que pour le coup mes cours n'incluaient vraiment pas de pratique, c'était que de la recherche, et trèès théorique !) et pourtant j'ai réussi à m'en sortir (enfin je crois !). J'pense qu'au contraire, c'est important de se lancer, et puis ton maître de stage sera là pour t'aiguiller ! J'ai hâte de lire la suite de tes compte-rendus. Et encore merci pour tout le boulot que tu fais sur ce site.

  • Camouch dit :
    09/6/2009 à 12h 12min

    Merci pour ce chouette résumé!(enfin compte rendu en fait!)




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